Conseil Académique de l’Éducation Nationale

Déclaration liminaire

Mesdames, Messieurs les membres du CAEN,

Ce CAEN se tient peu de temps après les personnels de l’Éducation nationale ont manifesté massivement leur mécontentement. Nombreuses sont les raisons de la grogne : réforme du LP, choc des savoirs, rémunérations, mépris des personnels, suppression de postes…

De façon inédite, depuis la rentrée de septembre, notre ministère semble consommer plus de Ministres que de Recteurs. Madame la Rectrice, la première question de la FNEC-FP-FO sera : Nicole Belloubet, combien de semaines ?

Lors des annonces de la réforme du lycée professionnel, la volonté présidentielle de fermer les formations du secteur tertiaire sous prétexte qu’elles n’insèrent pas, notamment au niveau Bac et infra-Bac, avait été menée avec zèle par Carole Grandjean, aujourd’hui portée disparue.

La carte de formation prévue pour la rentrée 2024 s’inscrit pleinement dans les attentes du Président Macron et préfigure celle à venir. Dans le public, la totalité des réductions de capacités en Bac Pro, soit 7 réductions, concernent le secteur tertiaire et plus particulièrement, le Bac Pro AGORA qui a été créé il y a seulement quelques années pour remplacer le désastreux Bac Pro Gestion-Administration. Son ouverture, a entraîné la fin des Bac Pro Secrétariat et Comptabilité. Les PLP éco-gestion option secrétariat ou option comptabilité qui enseignaient les matières professionnelles dans ces formations, ont vu leur discipline de recrutement changer, soit automatiquement en éco-gestion option gestion administration, soit par reconversion dans différentes options comme commerce-vente ou logistique. Il y a fort à craindre que la prochaine carte des formations les oblige à de nouveau envisager un autre changement de discipline. Malgré un protocole d’accompagnement de ces collègues, des situations dramatiques avaient émergé conduisant parfois à gestes suicidaires. Ces enseignants ont tous en mémoire les propos inacceptables de la DRH de l’académie de Montpellier. Le 21 février 2019, en réponse aux PLP qui lui demandait ce qu’ils devaient faire si les propositions de reconversion ne leur convenaient pas, ce cadre a dit : « Je vais me permettre une réponse avec de l’humour, pensez à l’euthanasie. ». Fort heureusement, très peu de DHR ont le même humour. En 2023, lors d’une Formation Spéciale Santé Sécurité et Conditions de Travail, la FNEC-FP-FO avait déjà alerté Madame la Rectrice de l’impact néfaste de cette réforme sur la santé de ces enseignants. Nous réitérons ici cette alerte.

Les réductions de capacité en BTS, toutes dans le tertiaire, n’augurent rien de bon, ni pour les élèves, ni pour les professeurs. La prochaine carte des formations va-t-elle acter la fin des BTS dans les LP et leur remplacement par des certificats de spécialisation de niveau Bac +1 en tout apprentissage qui figurent dans le dossier de presse de la réforme du LP publié en mai dernier ? Si tel est le cas, c’est la fin de la volonté de l’État français d’élever le niveau de qualification des élèves de LP. Au lieu de leur faire préparer un diplôme de niveau 5, ils prépareront un certificat dont on ne sait pas qu’elle valeur les conventions collectives vont leur réserver. Le grand gagnant sera le patron local qui touchera les aides liées à l’apprentissage pour former ses employés ou pour pallier au manque d’employés. On retrouve ici la volonté d’envoyer le plus tôt possible nos élèves sur le marché du travail et pas celle de leur donner les moyens de réussir leurs études supérieures.

Si des formations ne sont effectivement pas insérantes au niveau CAP et Bac Pro, elles le sont au niveau BTS. Se limiter à l’insertion au niveau 4 pour sceller le sort d’une formation serait une erreur.

Faire évoluer la carte des formations est une nécessité. Mais cela doit se faire en tenant compte des besoins de la société à long terme, pas uniquement à court termes et sur les besoins immédiats de entreprises locales. Si les formations en lycée professionnel doivent préparer aux métiers de demain, aux métiers du grand âge, du numérique, des énergies vertes… elles doivent aussi laisser la possibilité aux élèves de construire le projet professionnel qu’ils souhaitent, pas celui que les Services Publics pour l’Emploi Local auront choisi pour eux.

Cette refonte de la carte des formations doit se doter d’un vrai volet ressources humaines pour accompagner les mobilités des collègues dont les formations vont fermer. Qu’est-il prévu à ce jour sur le plan RH ?

Les prévisions d’effectifs dans l’académie sont eux aussi inquiétants et malheureusement, avec les politiques menées par les différents gouvernements, mettent en danger les postes dans toutes les catégories de personnels et dans tous les degrés de notre système scolaire. L’État doit utiliser la baisse de la démographie scolaire pour améliorer l’encadrement des élèves, pour faciliter le remplacement des collègues malades, pour mieux former les personnels sur leur temps de service…

Dans le second degré, les prévisions sont alarmantes sauf dans la voie professionnelle qui accueille le public le plus fragiles du système scolaire tant sur le plan scolaire que social. Cette voie accueille aussi un grand nombre d’élèves en situation de handicap. Alors au regard des difficultés concentrées dans les LP, SEP et EREA, les 37 ETP ne sont pas suffisants. En enseignement général et enseignement professionnel théorique, de nombreuses heures de cours se feront avec 30 élèves dans le secteur de la production et 36 celui des services.

Malgré les déclarations mensongères d’Amélie Oudéa-Castéra qui annonçait qu’aucun poste ne sera supprimé, une véritable coupe franche a lieu dans les postes du premier degré. 219 suppressions pour l’académie de Lille sur 650 nationalement. C’est une hécatombe que le strict point de vue démographique ne peut justifier. Des postes de titulaires vont être supprimés et des contractuels vont devoir être recruté pour faire face aux besoins de remplacement.

Dans le même temps, le Ministre essaie d’imposer le port de l’uniforme dans les écoles. Cette toquade symbolique, comme l’était l’interdiction de l’abbaya, ne correspond en rien aux besoins de l’école ni aux attentes de ses agents et de ses usagers. Masquer les inégalités sociales plutôt que les combattre n’est pas la solution. L’argent qui y est engagé est une gabegie inutile.

Les mêmes dépenses inutiles seront faites pour la généralisation du SNU. Ce ne sont ni l’embrigadement, ni la militarisation de la jeunesse qui créeront un sursaut citoyen parmi les jeunes. C’est une école de qualité, diplômante, un service public présent et efficace qui peuvent susciter cet éveil citoyen et non un prêt-à-penser contre-productif.

Enfin, la FNEC-FP-FO salue les efforts déployés par l’académie pour lutter contre le décrochage scolaire. Des groupes à effectifs réduits à tous les niveaux du système scolaire permettraient de réduire le nombre de décrocheurs et de détecter les signaux même minimes du décrochage chez les élèves. C’est d’ailleurs, cette politique des groupes à effectifs réduits qui est appliquée dans les structures de retour à l’école. La FNEC-FP-FO revendique des cours à effectifs réduits, d’autant plus réduits que les indices de position sociale des structures concernées sont faibles. Je vous remercie de votre attention.